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Selon l'historien Plutarque, l'association de ces métaux fondus donna le nom à un alliage merveilleux : le bronze de Corinthe ou cuivre noir. Le secret de sa fabrication fut consigné dans l'encyclopédie alchimiste de Zozimos qui vivait en Egypte au IIIe siècle de notre ère. Ce document a été perdu par la suite. Seul un manuscrit syrien du XVe siècle, retrouvé depuis peu et conservé à la bibliothèque de l'université de Cambridge, a sauvegardé une partie des textes de l'alchimiste. Cet alliage fascinait les Anciens parce qu'il avait la propriété d'être inaltérable dans le temps, comme l'or. Il présentait une couleur noire, dense et profonde qui était utilisée par les meilleurs bronziers de l'antiquité pour entrer dans la décoration de précieux objets. Sa fabrication était déjà connue des civilisations crétoises et égyptiennes. De rares pièces, témoins discrets de ce savoir-faire millénaire, nous sont parvenues. L'encrier antique de Vaison-la-Romaine, daté du Ier siècle de notre ère, fait partie de ces pièces exceptionnelles qui, longtemps ignorées, viennent de révéler le secret de fabrication des fameux bronzes noirs. Une étude scientifique conduite par Sophie Descamps-Lequime, conservatrice du département des Antiquités au Musée du Louvre, a montré que l'encrier de Vaison était décoré avec un alliage d'un noir profond, visible notamment sur les différents sujets qui en ornent la scène.
Quelle est l'histoire de cet objet ? Le contexte de sa découverte à Vaison n'est pas connu, si ce n’est qu’il a été trouvé dans l'ancienne capitale des Voconces au XIXe siècle et appartenait à Monsieur Leydier. Ce dernier le céda au Musée du Louvre en 1883 où il est toujours visible dans la galerie des bronzes antiques du grand musée national. L’encrier fait partie de ces objets précieux qui ont fait la réputation archéologique de notre cité comme le Diadumène du British Museum et le collier en or exposé au musée de la vieille charité de Marseille. La scène mythologique qui orne l'encrier raconte l'histoire de Psyché et Eros, d’après Les Métamorphoses d’Apulée. Fille d’un roi et d’une rare beauté, Psyché – dont le nom signifie "l’âme" – est aimée d’Eros, dieu de l'amour, mais détestée par Aphrodite, mère de ce dernier.
Qu’il s’agisse de statues, de statuettes, de pièces de vaisselle ou de mobilier, d’éléments de parure ou d’armes, tous les bronzes parvenus jusqu’à nous sont en effet bruns, pourpres, verts ou bleutés. Ce n’était pas leur teinte d’origine. Le bronze est principalement un alliage de cuivre et d’étain. Au sortir de l’atelier, les œuvres avaient une couleur proche de celle de l’or, un or plus ou moins jaune ou rosé en fonction de la teneur en étain. On sait désormais, d’après les sources épigraphiques ou littéraires et quelques représentations figurées sur les vases, que c’est cette couleur, ainsi que l’éclat et la brillance de la surface métallique, qui étaient appréciés. Les effets colorés reposaient essentiellement sur des incrustations de cuivre et d’argent ; la brillance sur le polissage des surfaces. Pour la grande statuaire, le cuivre rouge concernait les lèvres, les pointes des seins, le sang des blessures, le décor des vêtements, d’un casque ou d’une cuirasse ; l’argent était utilisé pour les dents. Selon la tradition grecque et jusqu’au IIe siècle de notre ère, les yeux des statues, aux iris de verre cerclés de métal et enchâssés dans du marbre ou de l’ivoire, étaient confectionnés indépendamment. Ils ont souvent disparu. Il est difficile d’apprécier aujourd’hui l’effet esthétique produit par les centaines de bronzes qui étaient exposés dans les sanctuaires et sur les places publiques. Les Anciens cherchaient à retarder leur corrosion naturelle, en enduisant les épidermes de substances bitumineuses et d’huile d’olive, mais l’évolution redoutée était inéluctable : les bronzes s’assombrissaient, précisément à cause des traitements subis.
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