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Joseph SAUTEL, archéologue vaisonnais


Destin d'un homme, destin d'une ville,
Joseph Sautel, pro Vasio
Christine Bezin
Conservateur du musée archéologique
de Vaison-la-Romaine

Joseph Sautel (9 avril 1880 - 6 novembre 1955) est né à Soleymieux dans la Loire, mais il a été élevé à Tulette où s’est établie sa famille. Empreint de foi chrétienne et passionné d'histoire, il est ordonné prêtre le 29 juin 1902 et poursuit parallèlement ses études à la Sorbonne.
L'abbé Joseph Sautel
Il y décroche une licence ès-lettres et devient professeur d'histoire et géographie en Avignon. Dès 1906, ce jeune prêtre de 26 ans se lance dans des recherches sur le passé de Vaison où des vestiges laissent deviner la présence de l'antique Vasio Vocontiorum. Son pont sur l’Ouvèze est encore le seul moyen de traverser la rivière. D’autres réminiscences du passé, bien réelles aussi, comme des inscriptions et de petits éléments lapidaires, ont été collectés par des lettrés aux cours des siècles précédents. S'il n'est pas lieu ici de faire l'historique sur les recherches sur Vaison, il est néanmoins utile de rappeler l'existence d'une documentation d’érudits et de témoins de voyage que Joseph Sautel a consultée. Cette documentation très révélatrice des richesses antiques l'a rapidement conforté dans ce choix que Michel Clerc, alors professeur à la Faculté d'Aix lui proposait pour sa thèse de Doctorat. Les recherches scientifiques du XIXe siècle fournissaient, avec des croquis, l'état des lieux le plus récent. Joseph Sautel étudie les comptes-rendus des commissions officielles (rapports de Chaix) de 1821-1823 et de 1837. Il étudie les travaux d'Esprit Calvet, de J.-Cl. Martin, de Moreau de Vérone, de Deloye et bien d'autres encore.

Le Théatre Antique à la fin du XIXe siècle, les gradins sont cachés par des restanques cultivées.

C’est donc déjà bien informé qu’en 1907, Joseph Sautel arrive modestement à vélo sur Vaison. Il finance ses premières fouilles pour étayer son travail de thèse de doctorat. Pour parvenir à des résultats rapides, il établit ses sondages au bas du flanc nord de la colline de Puymin. Un secteur qu’il savait correspondre à l’emplacement du mur de scène du théâtre puisque l’édifice était déjà identifié et classé Monument Historique depuis 1862. A l’arrivée de Sautel seules deux arcades des parascaenia émergeaient. Les gens du pays les appelaient les "lunettes".

En 1909, il publie "Le Théâtre Romain de Vaison" dans les Mémoires de l'Académie de Vaucluse. Ces hypothèses lui valent l'appui d'Antoine Héron de Villefosse et du Comité des Travaux Historiques. Il obtient dès lors des subventions du Ministère de l'Instruction Publique. De 1911 à 1913, il exhume de nombreux fragments qu'il appelle "un nid de statues" dans ses publications. Il s'agit d'une partie des statues de marbre qui ornaient le mur de scène. Ce sont celles des empereurs Claude, Domitien, Hadrien et de l'impératrice Sabine présentées aujourd'hui au musée.

Ulysse Fabre, Maire de Vaison.
Ces découvertes spectaculaires éveillent l'intérêt général. Ce qui permet au jeune archéologue de bénéficier enfin de subventions de la Commune, du Ministère de l'Instruction Publique et des Beaux Arts, puis du Conseil Général pour poursuivre ses travaux. Très vite, les maires Paul Buffaven (de 1906 à 1919) et Ulysse Fabre (de 1919 à 1941), entreprennent une politique d'achat de terrains et font classer les vestiges et les monuments connus. Au cours de cette riche période, l'enthousiasme de Joseph Sautel et la progression incessante de ses dégagements éveille l'intérêt de la population pour ce patrimoine que l'archéologue médiatise avec ardeur. Il enchaîne les visites guidées et les publications.

L'abbé Sautel conduit une visite guidée des fouilles du théatre antique.
Dégagement de la scène et des gradins du théatre antique.
Il devient conservateur du musée en 1921. Les années suivantes, Joseph Sautel et Jules Formigé (1879-1960), Architecte en chef des Monuments Historiques, étudient le théâtre en vue de sa restauration. Les travaux sont réalisés entre 1932 et 1934 avec des moyens plus qu'honnêtes grâce à l'intervention de Maurice Burrus, le mécène de Vaison. Dans ses publications suivantes, le chanoine Sautel répond à des critiques "faites au nom de l’art et de la poésie" sur la restauration du théâtre. Il rappelle la fragilité des matériaux et la nécessité absolue des travaux pour conserver l’édifice et le rendre de nouveau "accessible au public ainsi qu’aux représentations scéniques". Il argumente également les choix de restauration.

Après les fouilles du théâtre (1922 et années suivantes), Sautel poursuit ses dégagements sur le site de Puymin: Il met au jour la Maison des Messii (actuellement nommée Maison à l'Apollon Lauré), le portique de Pompée (sanctuaire à portiques), le nymphée (château d'eau), les rues bordées de boutiques et de locaux artisanaux et le "prétoire" identifié aujourd'hui en Maison à la Tonnelle. Il explore également les thermes du Centre sous la poste.

En 1924, il réalise les premiers sondages du quartier de La Villasse et y découvre le Buste en Argent d'un patricien romain au moment même du passage des membres de la Commission des Monuments Historiques, en tournée d'inspection. Membres qui crurent sur l'instant à une petite mise en scène nous dit Sautel. Ce Buste a donné son nom à la maison dégagée à cet emplacement quelques années plus tard.

 
Equipes de terrassements.
Dédicace en l'honneur d'Afranius Burrus

Les travaux archéologiques réclamaient des fonds importants pour payer les terrassiers, consolider les murs, restaurer les statues et les poteries... Joseph Sautel a eu la chance de bénéficier d'une aide financière importante pour mener à bien toutes ces opérations entre 1925 et 1939. Cette période correspond en effet au généreux mécénat de Maurice Burrus. Cet industriel alsacien s'était passionné pour l'antiquité après un voyage en Grèce et guidé par Jules Formigé, il venait de découvrir plusieurs sites provençaux. Sa visite de Vaison, sous la conduite de Joseph Sautel et du maire Ulysse Fabre l'a captivée. Son homonymie avec un célèbre voconce, Sextus Afranius Burrus, précepteur et préfet du prétoire de Néron, "patron" de la cité de Vaison (inscription au musée lapidaire d'Avignon), qui l'a bien sûr enchanté, n'a été sans doute qu'une raison d'amusement supplémentaire à son choix de Vaison en tant que site à mettre en valeur. Après cette rencontre qui va naturellement changer le rythme des dégagements archéologiques, Sautel publie, en 1926, sa thèse "Vaison dans l'Antiquité". Il devient professeur aux facultés catholiques de Lyon. Malgré ses nombreuses fonctions Joseph Sautel poursuit toute sa vie ses fouilles à Vaison. Les dernières sont celles du site de La Villasse et de la cathédrale.

En 1934, le dégagement du quartier de La Villasse commence. Après la guerre de 1939-1945, après laquelle ni Burrus (mort à Lausanne en 1959), ni Formigé ne reparurent plus guère à Vaison, Joseph Sautel fouille encore à la Villasse la Maison au Dauphin. En 1949 et 1951, il dégageait des niveaux antiques et paléochrétiens à la cathédrale.

Grâce au soutien actif d'Ulysse Fabre, le maire de Vaison, devenu Vaison-la-Romaine en 1924, de Jules Formigé l'architecte responsable des restaurations et de Maurice Burrus, le mécène passionné, Joseph Sautel a pu mettre à jour la presque totalité du site visitable actuellement: ce patrimoine et la reconnaissance par la presse nationale et locale de Vaison comme "Pompéi française" a activé l'essor touristique (en 1920 Vaison est classée station touristique) et culturel de la ville. Le théâtre et le domaine archéologique sont devenus le cadre de spectacles (premières "Fêtes d'Art" en 1921) toujours vivants aujourd'hui: chorales, danses, variétés...

Danse folklorique du ruban.
Le public du XXeme siècle retrouve les gradins du théatre antique.

Joseph Sautel a publié la carte archéologique du Vaucluse en 1939, trois volumes supplémentaires à sa thèse en 1942. Il a reçu la rosette d'Officier de la Légion d'Honneur en 1951. Il est décédé en Avignon le 6 novembre 1955.

Le rôle qu'a joué le chanoine Sautel dans la découverte et la mise en valeur des vestiges antiques et paléochrétiens est donc fondamental pour Vaison, mais bien au-delà aussi. En effet, ses recherches ont créé une émulation sans précédent dans le domaine scientifique. Les fouilles du théâtre romain de 1907 à 1924 ont par exemple donné une impulsion particulière à l'étude de ces monuments dans la vallée du Rhône.

Joseph Sautel était un travailleur infatigable. Il menait de front ses recherches scientifiques tout en cumulant de nombreuses charges. Il a été membre de l'Académie de Vaucluse dès 1908. Il a été nommé membre correspondant de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres en 1940, puis directeur de la treizième circonscription archéologique en 1947.

Enfin, on ne saurait achever ce résumé de l'œuvre de Sautel sans parler de l'homme d'église et de l'homme de cœur. L'abbé, devenu en 1934, le chanoine Sautel, avait un charme charismatique. Ses abords faciles et ses manières simples qui intriguaient avec le port de la soutane, plaisaient à la population et aux médias. Bernard Liou qui a fouillé bien après lui la Maison au Dauphin avait fait une conférence vivante sur le chanoine Sautel lors d'un colloque organisé sur Vaison-la-Romaine en 1988. Il y avait fait ressortir l’amusante et enrichissante cohabitation d’hommes d’intelligence oeuvrant dans la même intention de faire découvrir au monde, les vestiges antiques de Vaison. Je vous en livre quelques lignes tout en lui rendant hommage (Bernard Liou nous a quitté en 2006): "Nous aimerions savoir mieux comment fonctionnait, dans ces années 30, le quatuorvirat Sautel-Burrus-Formigé-Fabre. La vedette quasi "médiatique" en est incontestablement l’abbé, puis, à partir de 1934, chanoine, Joseph Sautel: à cause de son charme qui était grand, fait en bonne partie de bonhomie et de joie de vivre, avec beaucoup de sérieux scientifique et de rigueur morale; sa qualité d'ecclésiastique contribuait à son succès, dans la mesure où le port de la soutane sur les chantiers de fouille était un élément de pittoresque, et où ses recherches à Vaison l'amenaient à côtoyer, par exemple, un Ulysse Fabre, maire et président du Conseil Général, puis Sénateur, radical-socialiste, donc en principe, anticlérical."

Affiche de l'exposition commémorative à l'occasion du cinquantenaire de la disparition du chanoine Sautel.
De la disparition du chanoine Sautel aux années 1980, les recherches se sont poursuivies avec Sylvain Gagnière, Henri Rolland, André Dumoulin, François Salviat, Christian Goudineau, Yves De Kisch et Bernard Liou (disparu en 2006).

La disparition du chanoine Sautel a été commémorée en 2005 sur Vaison à travers une exposition (8 novembre au 4 décembre) et des visites guidées intitulées "Sur les traces du chanoine Sautel". Un rappel sur sa vie et son œuvre a rassemblé de nombreuses personnes autour de la plaque commémorative rénovées (inaugurée le 29 octobre 1966) sur le site de Puymin.















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